Comment étudier les parties des meilleurs ?
La plupart des joueurs d'échecs aiment étudier les parties de Maîtres ou de Grand-Maîtres. En effet, la plupart d'entre elles sont de véritables œuvres d'art et vous pouvez les apprécier juste en les regardant. Mais vous pouvez aussi apprendre beaucoup de ces parties.
Je me souviens du choc que j'ai vécu lorsque j'ai vu pour la première fois la « partie de l'Opéra ». Comme je l'expliquais dans ce vieil article, cette partie m'a ouvert les yeux, c'était une invitation dans le monde magique des échecs !
Paul Morphy sur Wikipedia.
Malheureusement, très souvent, les gens oublient très vite ce qu'ils ont appris dans de telles parties. J'ai eu ce genre de conversation avec un de mes élèves :
Moi: Est ce que tu as regardé les parties du Championnat des USA hier ?
élève: Oui, c'était une ronde super cool !!
Moi: Qu'est ce que tu as le plus apprécié ?
élève: Nakamura a gagné une partie fantastique, il a complètement détruit son adversaire.
Moi: Qu'as-tu appris de cette partie ? Peux-tu me montrer quelque chose ? Tu n'as même pas besoin de me montrer la position exacte, juste, explique moi les nouvelles idées que tu as appris ?
Elève: Bon, sa Tour était quelque part par là (en me montrant l'aile dame) et il est arrivé à capturer le Cavalier adverse, qui était là (en montrant l'aile roi).
Comme vous pouvez le constater, quoi que mon élève ait appris de la partie de Nakamura (si il a réellement appris quelque chose!) s'était évaporé dès le lendemain. Cela arrive car la plupart des gens aiment regarder les parties d'échecs des grands joueurs mais ne cherchent pas à les mettre en relation avec leur propre pratique du jeu d'échecs.
Mais vous pouvez réparer cela facilement ! Quand vous avez fini d'analyser une partie, demandez-vous simplement : « Qu'ai-je appris de cette partie qui pourrait m'être utile dans mes propres parties si l'opportunité se présente ? »
Même mieux, écrivez la réponse sur votre cahier d'échecs. Quand vous aurez des centaines de notes dans votre carnet, croyez-moi, vous serez un joueur différent, bien plus fort.
Laissez moi vous donner un exemple. J'ai pris un livre au hasard dans mon étagère et je suis tombé sur la collection des parties de Rudolf Charousek. C'était un joueur très talentueux qui est mort très jeune, à l'age de 26 ans, de la tuberculose. Même s'il n'a participé que 6 ans (1893-1899) aux fortes compétitions échiquéennes, le talent de Charousek était si évident que le champion du monde en titre à cette époque, Emmanuel Lasker, pensait qu'il aurait tôt ou tard à défendre son titre contre lui.
Certains d'entre vous pourraient se dire « Que pourrais-je apprendre de vieilles parties d'un joueur qui ne jouait quasiment que des Gambits si je suis un joueur moderne ne jouant jamais le Gambit Roi ?
A vrai dire, vous pouvez apprendre énormément, sur toutes les phases du jeu !
Disons que vous trouviez l'exemple suivant dans le livre :
Vous pourriez dire « Les noirs ont joué bizarrement l'ouverture puis ont perdu un pion et les blancs ont fait une jolie petite combinaison avec 25.Fb4 ! Mais globalement, il n'y a rien de spécial dans cette partie »
Si c'est cela votre réponse, alors vous avez loupé de nombreux éléments qui pourraient vous être très utiles dans vos propres parties. Analysons ensemble !
Pourquoi les blancs jouent-ils cet échec bizarre ? Le Fou ne va-t'il pas devoir se retirer après c7-c6 ? Cela ressemble à un coup de débutant puisque les débutants aiment donner échec dès qu'ils en ont l'opportunité, par exemple :
Mais il y a une grosse différence ! Puisque les noirs ont déjà mis leur Fou en fianchetto, en jouant c6, ils vont enfermer leur propre Fou. Du coup, c'est une idée très utile à retenir. Vous pouvez l'utiliser dans de nombreuses ouvertures lorsque votre adversaire a mis son Fou en fianchetto ou alors s’apprête à le faire.
Regardez les parties suivantes dans lesquelles cette idée fut utilisée.
Comme vous pouvez le voir, après avoir joué c6, les noirs ont dû chercher une nouvelle diagonale pour leur Fou puisqu'il serait trop passif sur sa case habituelle en b7. Mais que serait-il arrivé si les noirs avaient joué Fd7 plutôt que c6 ? Vous trouverez la réponse dans la partie suivante :
Une nouvelle fois, les noirs ont connu des soucis puisque lorsqu'ils ont placé leur Fou sur la grande diagonale en jouant Fc6, leur pion c7 s'est retrouvé bloqué. Et ainsi, le thématique c5 pour attaquer le centre blanc n'était plus possible.
Maintenant, vous savez comment cette petite astuce fonctionne ! Avant de jouer Fd3, vous jouez d'abord Fb5+ pour empêcher que les pièces adverses ne puissent se développer harmonieusement. Voici 2 exemples supplémentaires issus de parties de Kasparov :
N'oubliez pas que les noirs peuvent eux-aussi utiliser cette idée !
Je suis sûr qu'à partir de maintenant, vous n'oublierez plus jamais cette astuce et que vous ne louperez pas l'opportunité de l'utiliser dans vos propres parties !