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Le seul problème des Échecs960 (Fischer Random)
Que pensez-vous du Fischer Random?

Le seul problème des Échecs960 (Fischer Random)

Gserper
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Si vous vous êtes un jour intéressé un tant soit peu au baseball, alors le nom de Yogi Berra ne vous est pas inconnu. Cette star américaine, adulée pour ses traits d'humour et ses citations pleines d'esprit, baptisées "Yogi-ismes", était en quelque sorte le Grischuk de sa discipline. Ses savoureuses contradictions en sont la meilleure des illustrations : "Si le monde était parfait, il ne le serait pas" ou "Plus personne ne va là-bas. Il y a trop de monde". On ne peut donc s'empêcher de penser à Yogi Berra quand on lit la citation suivante de notre facétieux Grand Maître russe :

Je ne vois aucun point négatif au Fischer Random. L'unique léger désagrément est la position de départ, en dehors de cela, il n'y a que des avantages.

Si l'on considère que la position initiale EST la seule différence entre le Fischer Random (également connu sous le nom d'Échecs960) et les échecs classiques, nous avons affaire ici à une version échiquéenne d'un Yogi-isme.

Yogi Berra. Photo : Wikimedia.

Comme je l'ai admis dans mon article écrit il y a deux ans, la seule raison pour laquelle je suis les tournois de Fischer Random est la participation de Kasparov, je ne pouvais donc pas manquer le récent Champions Showdown de Saint-Louis. Cependant, j'ai apporté un changement drastique à la façon dont je regarde les parties. Dans l'article mentionné ci-dessus, j'ai écrit : "Je veux partager une astuce que j'ai utilisée pour suivre l'événement. Si vous sautez simplement les 15 premiers coups, les parties commencent à ressembler aux échecs ordinaires". Cette année, j'ai regardé les parties depuis leur tout début. Je sais, cela nécessite quelques explications. Mon écrivain préféré, Sergey Dovlatov, a écrit dans l'un de ses meilleurs romans A Foreign Woman (Une femme étrangère) :

"New York était un événement pour Marusya, un concert, un spectacle. Elle n'est devenue une ville qu'au bout d'un mois ou deux. Peu à peu, le chaos a révélé des visages, des couleurs, des sons. L'intersection bruyante du marché s'est soudainement délitée en ses unités constitutives : une épicerie, une cafétéria, une agence d'assurance et un traiteur".

Tout comme pour la protagoniste, une position initiale de Fischer Random, aussi peu esthétique fut elle, a soudainement dévoilé à mes yeux, visages sons et couleurs. Laissez-moi vous montrer ce dont je parle. Voici une vielle partie peu connue de Bent Larsen :

La partie est belle en elle-même mais ce que j'ai préféré c'est le piège tendu au quatrième coup. Pouvez-vous trouver pourquoi les noirs ne devraient pas prendre le pion en g2


Maintenant que ne vous venons de voir cette astuce, il sera plus facile pour vous de repérer la puissante idée tactique que Kasparov a ratée dès le deuxième coup ! Cela ne lui aurait évidemment pas offert une victoire immédiate mais c'était fort joli :

Voici à présent comment la partie s'est déroulée en réalité :

Néanmoins, j'étais très heureux lorsque, dans la partie la plus attendue du tournoi, la position initiale était aussi proche que possible des échecs classiques. Seuls le roi et le fou côté dame ont échangé leurs places. Il n'est pas surprenant que, très vite, la partie ait ressemblé à un Gambit Dame accepté où Kasparov a opté pour une poussée bien connue en g2-g4. Carlsen a brillamment réagi en proposant l'échange des fous de cases noires :

Les mêmes considérations stratégiques étaient survenues dans la célèbre partie qui suit :

Tout comme Spassky, après l'échange des fous, Carlsen a pris l'initiative et a finalement obtenu une position gagnante, bien qu'ensuite quelque chose ait mal tourné :

Afin de comprendre les idées clés de la finale qui en résulte, examinons la partie emblématique entre Botvinnik et Fischer. Le dernier tournant de cette partie est intervenu quand Botvinnik s'est judicieusement occupé des deux pions passés liés de Fischer. Au lieu de capturer le pion g6 sans défense, Botvinnik a joué h4-h5!, soit une idée trouvée par le GM Geller lors de l'analyse de la position qui avait été ajournée. 

Cependant le moment le plus instructif de la partie avait eu lieu précédemment. Voici le commentaire de Botvinnik après le 40ème coup de Fischer 40...Rg5 :

Un spécialiste des finales comme Capablanca ou Smyslov aurait, sans une hésitation, amené son roi en d6 afin de protéger le Cc5. Après quoi, la poussée des pions à l'aile dame aurait rapidement décidé de l'issue de la partie.
- Mikhail Botvinnik

En effet, les noirs jouissent d'un pion passé à l'aile dame où le roi devrait donc se rendre au plus vite pour soutenir sa course. Maintenant, reprenons la partie entre Kasparov et Carlsen. Le champion du monde aurait pu suivre les vieux conseils de Botvinnik et amener son roi au soutien de ses pions vers l'aile dame via 42...Rd7 ! Au lieu de cela, il a permis à Kasparov de sauver la partie par le même coup "magique" que le pionner de l'école soviétique : h4-h5 ! Notez également le coup très précis 45.Te5 ! où Kasparov a coupé le roi noir, lui interdisant de revenir au cœur de l'action.

Comme je l'ai écrit dans mon ancien article : Garry est le vrai Roi Midas des échecs puisque quel que soit le sujet qu'il touche, il le transforme en or. Il a réussi à accomplir l' impossible : me faire vraiment apprécier une partie de Fischer Random ! Est-ce que je me suis mis à les aimer pour autant ? Eh bien, laissez-moi vous dire ceci. L'été dernier, un constructeur de voitures électriques, Tesla, était dans une situation financière difficile. Le hashtag @TSLAQ était à la mode sur Twitter, impliquant une faillite inévitable. Mais un analyste financier a pris position et a augmenté sa note sur Tesla de "strong sell" à "sell" (recommandation de "forte vente" à simple "vente"). À mon tour, j'ai revu à la hausse mon opinion personnelle sur le Fischer Random, passant de "forte aversion" à "aversion".

Il serait intéressant de connaître votre ressenti sur cette variante. L'idée principale des Échecs960 est d'éviter la théorie des ouvertures. Bien qu'elle ait un sens dans les super-tournois, où les meilleurs joueurs ont analysé de nombreuses lignes, parfois jusqu'à la nulle, cela ne préoccupe guère plus de 90 % des autres amateurs d'échecs. Aussi, veuillez nous dire dans les commentaires si vous appréciez ou non le Fischer Random.

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