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Les 3 plus grands tubes d'Emanuel Lasker

Les 3 plus grands tubes d'Emanuel Lasker

Silman
| 27 | Autres

Me revoilà ! Je vous propose trois autres de mes parties favorites d'Emanuel Lasker. Attention : ces parties pourraient être ses meilleurs, ou pas. Ce qui compte, c'est qu'elles m'ont marqué à vie. 

Bien que Lasker fut un des plus grands tacticiens de l'histoire ainsi qu'un des meilleurs joueurs positionnels, son style peut se résumer à un terme : la pression. Il aimait emmener son adversaire au bord d'un ravin, se mettant lui même en danger. Au fond, il savait simplement que son adversaire serait souvent le premier surpris par la pente glissante.

Dans la plupart des cas, ses adversaires finissaient par fléchir et capituler face à la volonté de fer et l'esprit brillant du champion.

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Lasker / Wikipedia.

J'ai écrit en 2013 une étude en 4 parties de la vie de Lasker, elle est disponible (en anglais) ci-dessous :

PREMIÈRE PARTIE

Lasker n'était pas un joueur qui voulait s'imposer dans l'ouverture. Il préférait n'obtenir que très peu (voire rien du tout !) dans l'ouverture, et obtenir des positions ultra tactiques et compliquées, ou une profonde bataille positionnelle, qui offrait des chances aux deux camps. Si son adversaire faisait la moindre erreur, Lasker se transformait en Smaug le Doré, et crachait du napalm sur l'échiquier jusqu'à soumettre l'opposition.

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Image: Wikipedia

Dans cette partie, Euwe est longtemps mieux. Lasker, déjà âgé de 66 ans (!), manœuvre bien et maintient une position plutôt passive mais solide. Les blancs vont faire une erreur assez mineure au 29ème coup, et la position redevient égale. Lasker se met alors à jouer parfaitement, transformant sa position solide en un miracle de dynamisme, au grand dam du pauvre Max Euwe.

Un an après cette partie, Euwe battait Alekhine et remportait le titre de champion du monde.

SECONDE PARTIE

Quand deux grands s'affrontent (en boxe, en course à pied, en natation, etc...) le public s'attend à une rencontre épique. Malheureusement,  ces combats au sommet sont souvent repoussés pendant trop longtemps, et quand ils se matérialisent, l'une des légendes a perdu son niveau d'antan et l'événement s'avère décevant.

C'est ce qui s'est produit lors du championnat du monde d'échecs 1908. Siegbert Tarrasch (un docteur en médecine) avait sans doute été le meilleur joueur du monde entre 1890 et 1893, et un match entre Tarrasch et Steinitz avait été organisé par le Club de la Havane. Hélas, Tarrasch refusa la rencontre à cause de ses obligations professionnelles, privant le monde des échecs d'un match qui s’annonçait épique. Bien sur, Tarrasch n'imaginait pas une seconde qu'un nouveau venu nommé Lasker allait s'emparer du titre des mains de Steinitz et le garder pendant 27 ans !

Un match fut finalement organisé en 1908 entre Tarrasch et Lasker (de nombreuses négociations préalables n'ayant pas abouti). Tarrasch était toujours l'un des meilleurs joueurs du monde, mais son niveau n'était plus celui des années 1890. Et le match tant attendu tourna à la dérouillée, Lasker l'emportant 8 à 3 avec 5 nulles. 

Il ne fait aucun doute que si le match s'était tenu plus tôt, Tarrasch s'en serait mieux sorti. Mais je pense que Lasker l'aurait tout de même battu, car Tarrasch était un joueur au style monolithique, alors que Lasker maîtrisait parfaitement toutes les phases du jeu (a part peut-être les ouvertures).

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Tarrasch / Wikipedia. 

Lasker avait-il du respect pour Tarrasch ? J'en suis persuadé. Mais leur inimité valu au monde des échecs des remarques tels que :

Lasker : “La force du Dr. Tarrasch, ou sa faiblesse, comme on veut, c'est son amour-propre. Sans lui, il aurait été un joueur d'échecs médiocre. Mais son ego démesuré lui a permis de devenir un géant."

Tarrasch (au début de leur match en 1908, faisant claquer ses talons et se mettant au garde-à-vous) : "Je n'ai que trois mots à vous dire, Dr. Lasker : Échecs et mat !"

TROISIÈME PARTIE

Kramnik a dit un jour que les parties de Lasker ressemblait souvent aux parties modernes. C'est parce qu'au 19ème siècle, les joueurs voulait juste "tuer ou être tuer" (même si Morphy basait ses attaques sur des fondamentaux positionnels). Steinitz a alors entamé la révolution positionnelle, et une nouvelle école du jeu d'échecs est apparu, Steinitz et Tarrasch à sa tête.

Il restait de purs attaquants, bien sûr, mais pas autant qu'avant. Lasker est arrivé, et ne s'est aligné sur aucune école. Si la position réclamait un sacrifice d'attaque, il le faisait. Si la position réclamait l'échange des pièces et l'entrée en finale, il rentrait dedans. Si une tactique intéressante apparaissait sur l'échiquier, il ne manquait jamais de la jouer. Si une préparation minutieuse était nécessaire, il prenait son temps. Si il fallait défendre, il en était capable (la défense était même l'un de ses meilleures armes). Si l'on ajoute sa compréhension et son utilisation de la psychologie aux échecs, on comprend à quel point il était irrésistible. 

Pour ne rien arranger au cas de ses adversaires, il avait une volonté de fer, et ne craignait rien, ni personne.

Cette partie est une des mes préférées depuis l'âge de 13 ans. Je l'ai étudié à de maintes reprises. Elle m'a appris l'importance du développement rapide et de la destruction du roque adverse. Elle m'a également appris qu'il ne fallait jamais jouer un coup tant que l'on était pas sur d'avoir bien vu toutes les réponses possibles de son adversaire.

Je préfère les deux premières parties, un peu plus subtiles, et celle contre Tarrasch est une de mes favorites. Ce n'est bien entendu qu'une question de goût.

Et vous, laquelle préférez-vous ?

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