Les dix moments-clefs de l'histoire des échecs
A l'échelle mondiale, il n'existe aucun jeu ayant aussi bien résisté au temps que les échecs. Contrairement à la large majorité des jeux et des sports pratiqués aujourd'hui, on y joue depuis plus de mille ans.
Bien que le jeu ait profondément changé depuis son invention, ses fondations sont restés similaires jusqu'à nos jours. Le jeu antique a évolué pour plaire aux joueurs de toutes cultures et de tous âges.
Les estimations les plus prudentes estiment qu'au moins 500 millions de personnes sur terre sont joueurs d'échecs, et il ne fait aucun doute qu'il est sans conteste le roi des jeux de plateau.
Mais comment notre jeu a-t-il grandi jusqu'à jouir de la popularité qui est la sienne aujourd'hui ? Embarquez avec nous dans un voyage à travers l'histoire !
Voici notre liste des dix moments-clefs de l'histoire des échecs. Êtes-vous d'accord avec notre classement ? Faites-le nous savoir dans les commentaires !
- La naissance des échecs
- Le sacre de la Reine
- Le premier grand tournoi
- Le turc mécanique
- Les pièces Staunton
- La pendule
- Le premier champion du monde
- Fischer et Kasparov
- L'âge du silicone
- L'ère Magnus
10. La naissance des échecs : vers l'an 600
Vers l'an 600, le jeu arabe du chatrang, développé à partir des règles indiennes du chaturanga, est le premier jeu identifié comme similaire aux échecs.
Le chatrang est joué sur un échiquier de huit cases sur huit, avec 16 pièces de chaque côté, comme aux échecs moderne : Le soldat (pion), le cheval (cavalier), l'éléphant (un fou aux mouvements réduits), le conseiller (une dame aux mouvements réduits), et le shah (roi).
Le jeu se termine en cas d'échecs et mat, ou si toutes les pièces de l'armée adverse (à part le roi) sont capturées.
9. Le sacre de la Reine : vers 1450
La puissance de la dame ne fut révélée qu'au 15ème siècle.
Vers le milieu du deuxième millénaire, les échecs ont déjà considérablement évolué par rapport à l'ère du chatrang. Les pions peuvent maintenant avancer de deux cases lors de leur premier coup, et le plateau noir et blanc tel qu'on le connaît aujourd'hui est devenu standard.
En revanche, ce n'est qu'en 1450 que les échecs connaissent leur modification la plus radicale. C'est le sacre de la dame. Pour rendre les parties plus rapides et plus échevelées, des joueurs décident d'autoriser la dame à aller aussi loin qu'elle le souhaite, dans toutes les directions, combinant les talents du fou et de la tour.
Un changement d'importance par rapport aux règles originales qui limitaient le mouvement de la dame à une case en diagonale. Une révolution qui sera bientôt surnommée "les échecs de la dame enragée."
8. Le premier grand tournoi : 1575
Il faudra attendre 1851 avant de voir la première "Partie immortelle" !
Des nos jours, les tournois font partie intégrante de la vie échiquéenne. Les joueurs professionnels y assurent leur subsistance, et les joueurs amateurs viennent se mesurer en réel et en ligne pour progresser et s'amuser.
Mais ce ne fut pas toujours le cas. Le premier tournoi amical eut lieu lors de la venue des italiens Leonardo da Cutri et Paolo Boi à la cour du roi Philippe II à Madrid, où ils affrontèrent les espagnols Ruy Lopez et Alfonso Ceron.
Ruy Lopez avait déjà battu les deux transalpins auparavant, et les espagnols semblaient avoir la voie royale après leur victoire dans les deux premières parties. Les italiens, cependant, remportèrent les trois suivantes et s'adjugèrent le tout premier tournoi de l'histoire des échecs.
7. Le Turc mécanique : 1770
En 1770, l'inventeur hongrois Wolfgang von Kempelen dévoile le Turc mécanique, un automate sachant prétendument jouer aux échecs. Le turc battit de nombreux forts joueurs et étonna les audiences pendant de nombreuses années.
Conçu par von Kempelen pour divertir l'impératrice d'Autriche, le turc était assis à un bureau révélant une mécanique et des engrenages internes qui s'animaient lors de son activation.
Au cours des 84 années de son existence, il impressionna les foules en Europe et aux Amériques, ne perdant quasiment aucune partie. Napoléon Bonaparte et Benjamin Franklin furent notamment victime de sa force.
Bien entendu, le Turc mécanique n'était qu'un canular. La machine était contrôlée par un fort joueur caché dans le meuble et utilisant des aimants pour déplacer les pièces. De nombreux maîtres se relayèrent pour perpétuer sa légende à travers les décennies. Malgré la tromperie, le Turc aida à populariser les échecs et peut être considéré comme un précurseur spirituel des premières vraies machines à jouer aux échecs, les ordinateurs.
6. Les pièces Staunton: 1849
Howard Staunton, grand joueur d'échecs, a laissé son nom à ces superbes pièces.
L'anglais Howard Staunton fut sans doute possible le plus fort joueur du monde entre 1843 et 1851. Véritable passionné des échecs, il se fit le chantre d'un style de pièces bien spécifique.
Créées par le journaliste échiquéen Nathaniel Cook, ces pièces sont aussi agréables à manipuler qu'à regarder grâce à leur stabilité, leurs poids et leur esthétisme.
On les appelle aujourd'hui encore "Staunton", et elles sont désormais la norme des pièces d'échecs à l'échelle mondiale.
5. La pendule : 1861
Au début du 19ème siècle, les parties duraient parfois jusqu'à 14 heures ! Il n'y avait aucune limite de temps, et les joueurs perdants essaient de faire craquer leur adversaire à l'usure.
En 1861, les premières pendules d'échecs font leur apparition. On utilise alors des sabliers contenant trois heures de sable chacun. Bientôt, les pendules à culbutes (brevetées en 1884) vont les remplacer. Le temps d'un joueur s'arrête lors celui de l'autre commence.
Il faudra attendre 1964 pour voir l'introduction des pendules électroniques. Ces outils plus précis vont permettre l'éclosion de cadences plus rapides, comme le blitz ou le bullet, où chaque joueur n'a qu'une minute pour jouer tous ses coups.
Si elles étaient à l'origine onéreuses et compliquées à construire, aujourd'hui, il est possible d'en télécharger une gratuitement pour Android ou iOS en quelque secondes.
4. Le premier champion du monde : 1886
L'autrichien Wilhelm Steinitz devint le premier champion du monde de l'histoire en 1886 en battant Johannes Zukertort dans un match pour le titre.
La plus grande contribution de Steinitz aux échecs, en revanche, fut son travail de développement de la compréhension stratégique. Avant lui, on jouait aux échecs de manière romantique, dans un style imprécis et optimiste faisant la part belle aux attaques échevelées.
En 1873, treize ans avant son match contre Zukertort, il est le premier à proposer un style plus positionnel, basé sur les structures de pion, l'activité de la paire de fous et les avant-postes de cavalier. Il ne lançait ses attaques qu'après une préparation minutieuse.
Bien que certains de ses contemporains n'estimaient guère son style qu'ils qualifiaient de veule, ces idées lui ont valu le surnom de "père des échecs modernes".
3. Fischer et Kasparov: 1972 et 1985
Bobby Fischer face à Boris Spassky lors de leur match pour le titre.
Bobby Fischer apprit les règles des échecs à l'âge de six ans, mais ce n'est que vers onze ans qu'il "devint bon" selon ses propres termes. Six mois après son quinzième anniversaire, il devint grand-maître, un record de précocité qui tiendra de nombreuses années.
Sa progression attint son sommet en 1972, lorsqu'il battit Boris Spassky et tout l'appareil soviétique pour s'emparer du titre de champion du monde après un match encore considéré comme l'un des plus célèbres de l'histoire des échecs.
Trois ans plus tard, cependant, Fischer disparut complètement de la vie publique et de la compétition, pour réapparaître vingt ans plus tard dans une revanche face à Spassky, remportée elle aussi. Il s'éclipsa alors aussitôt, évitant les projecteurs du monde échiquéen jusqu'à sa mort en 2008, à l'âge de 64 ans. 64, comme le nombre de cases sur un échiquier...
Après la disparition de Bobby Fischer en 1975, il manquait au jeu d'échecs un leader charismatique. Une absence que compensa Garry Kasparov dix ans plus tard.
En 1985, Kasparov devient le plus jeune champion du monde de l'histoire à 22 ans, en battant son compatriote Anatoly Karpov. Il retint la couronne pendant pas moins de 22 ans. Son pic Elo de 2851 fut le plus haut de l'histoire, avant d'être surpassé par celui du champion du monde actuel, Magnus Carlsen, en 2013.
Kasparov fut la tête de gondole du jeu pendant plusieurs décennies avant de prendre sa retraite échiquéenne en 2005 pour se consacrer à la politique et à divers projets caritatifs.
Fischer et Kasparov sont considérés de manière presque universelle comme les deux plus forts et célèbres champions du monde de l'histoire.
2. L'ère du silicone : 1997
IBM choque le monde échiquéen en battant pour la première fois un champion du monde en la personne de Garry Kasparov.
En 1989, le géant de l'informatique IBM embauche une équipe de chercheurs de l'université Carnegie-Mellon pour créer un ordinateur capable de battre le champion du monde d'échecs.
Le champion en question, Garry Kasparov, répondit qu'il "faudrait encore de nombreuses années avant qu'un ordinateur soit capable de le battre dans un bon jour."
La même année, il joint l'acte à la parole en battant à plates coutures "Deep Thought", le premier programme d'IBM, dans un match en six parties. La version suivante, "Deep Blue", ne supportera pas non plus la comparaison en 1996.
Mais en 1997, pour la revanche, Deep Blue est désormais capable d'évaluer 200 millions de positions par seconde. Il bat Kasparov sur le score de 3,5 à 2,5.
Bien que c'est le nom de Deep Blue que l'histoire retiendra, n'importe quel moteur d'échecs moderne tournant sur un ordinateur lambda le surpasse aujourd'hui largement. Bien qu'ils ne calculent pas autant de position, les moteurs actuels évaluent ces positions beaucoup plus précisément et efficacement.
Les programmes d'échecs sont désormais beaucoup plus fort que n'importe quel joueur humain. Le champion du monde Magnus Carlsen est classé 2840 Elo, tandis que le meilleur programme du monde (en ce moment, Stockfish), est classé aux alentours des 3300 Elo.
1. L'ère Magnus : 2013
Bienvenue dans l'ère Magnus, la superstar norvégienne.
Magnus Carlsen est sans conteste l'un des plus grands prodiges de l'histoire du jeu.
C'est le joueur ayant obtenu le plus haut classement de l'histoire. Il est devenu grand-maître à l'âge de 13 ans. En 2013, il a battu Viswanathan Anand pour s'octroyer le titre mondial. Et il est également mannequin !
Carlsen est le joueur complet par excellence. Il est capable de s'aventurer dans de nombreuses ouvertures, possède un sens tactique aiguisé, une compréhension positionnelle insondable, une capacité de calcul ahurissante, et une capacité presque surnaturelle à défendre n'importe quelle position.
Et il n'a que 27 ans ! Il est classé numéro un mondial depuis l'adolescence, et il y a fort à parier qu'il va rester une figure majeure des échecs pendant les années à suivre.
Quel est selon vous le plus grand moment de l'histoire des échecs ? N'hésitez pas à nous le faire savoir dans l'espace commentaire !