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"Patez" votre adversaire !

"Patez" votre adversaire !

Gserper
| 73 | Stratégie

Pour de nombreux lecteurs, le titre de cet article peut paraître étrange. La possibilité de pater votre adversaire signifie généralement que vous êtes aux commandes de la partie. Si c'est le cas alors pourquoi vous contenter d'un match nul ? D'ailleurs, pas plus tard que cette année, j'ai prévenu les joueurs moins expérimentés que lorsque vous jouissez d'un énorme avantage matériel contre le roi solitaire de votre adversaire, le plus grand danger pour vous est le pat. De quoi s'agit-il donc ici ? Eh bien, laissez-moi vous expliquer.

Lorsque nous parlons de pat aux échecs, cela peut signifier deux choses complétement différentes. La première est un pat réel, lorsqu'un joueur n'a absolument aucun coup légal à son tour et que la partie se termine par la nulle. C'est évidemment une grosse déconvenue lorsque vous bénéficiez d'une position gagnante et que vous arrivez dans cette situation. C'est ce qui se produit dans de nombreuses parties de joueurs moins expérimentés, comme celles qui suivent :

Même si les noirs avaient donné leur dame au lieu de jouer le malheureux 56...f5 ??, leur position serait demeurée gagnante. Mais un pat est le pire qui puisse vous arriver dans une position comme celle-ci, et c'est exactement ce que j'évoquais dans l'article mentionné ci-dessus. 

Il existe cependant une autre interprétation du terme "pat", assimilé au zugzwang que vous pouvez créer afin de bloquer votre adversaire. Lorsqu'un Grand Maître dit fièrement "Je l'ai mis en zug", on peut même sentir une certaine forme de vantardise. Dans ce contexte, cette idée de pat signifie que l'adversaire peut à peine bouger et qu'en réalité, la situation sur l'échiquier est proche d'un zugzwang.

Voici ce qu'écrit Garry Kasparov dans son livre Kasparov on Kasparov, Part I à propos de sa partie contre le GM Svetozar Gligoric : "Mais alors mon adversaire a commis une erreur, et à la fin j'ai pu bloquer ses pièces." Voici la partie, où Kasparov mentionne à nouveau un pat dans ses annotations au 33ème coup des noirs :

Voici un type de pat à éviter :

Et voici une situation très souhaitable où les pièces de votre adversaire sont "bloquées" et ne peuvent donc pratiquement pas bouger :

La récente Coupe du Monde FIDE 2021 restera dans les mémoires pour de nombreuses raisons. Ce qui vient d'abord à l'esprit, c'est le triomphe de Jan-Krzysztof Duda ou le nombre de participants qui se sont retirés pendant l'événement (et même en milieu de partie !) à cause du COVID-19. Cependant, je me souviendrai de ce tournoi pour deux chefs-d'œuvre réalisés par Magnus Carlsen. Chacun d'eux correspond exactement à ce que Kelly Clarkson voulait dire en chantant "Some people wait a lifetime for a moment like this" ("Certaines personnes attendent toute une vie un moment comme celui-ci").

Le champion du monde a produit ces deux joyaux deux jours de suite ! C'est d'autant plus impressionnant que son adversaire, le GM Vladimir Fedoseev, est un joueur extrêmement fort et plein de ressources. Pourtant, dans les deux parties, les pièces du Grand Maître russe m'ont fait penser à une personne devant quitter le bar en fin de soirée. Elle a besoin de rentrer chez elle, mais d'une manière ou d'une autre, ses jambes refusent de bouger. Malheureusement, il n'y a pas de taxi ou d'Uber sur un échiquier, les pièces de Fedoseev sont donc restées à quai alors que leur royaume brûlait. 

Veuillez noter les 16 et 17èmes coups de Carlsen. Il a sacrifié un pion et ensuite une qualité sur la même case f4. J'ai beaucoup aimé cela ! Il y a environ deux ans, j'ai écrit un article intitulé "Le chef-d'œuvre inachevé de Magnus Carlsen" au sujet de son sacrifice sur la même case f4, et je suis donc heureux de voir que le champion du monde a enfin parachevé son œuvre !

La deuxième partie du match a été tout aussi impressionnante :

Des parties comme celles-ci sont incroyablement rares et difficiles à produire. Néanmoins, si vous êtes prêt à relever le défi, la première étape consisterait à prendre l'habitude de se demander "que veut faire mon adversaire ?" avant de jouer votre coup.

Pour les débutants, cette question serait un bon moyen de remarquer les menaces adverses et d'éviter de perdre bêtement des pièces. Pour les joueurs plus expérimentés, cette question peut les aider à jouer des coups comme celui de Carlsen 47. Fg4 !, empêchant la tour des noirs de revenir en jeu par la case h5. Dans de nombreux cas, ce sont des petits coups comme celui-ci qui sont les éléments constitutifs de chefs-d'œuvre étonnants ! 

En résumé, évitez les pats à votre désavantage et bloquez plutôt les pièces de votre adversaire, comme l'a fait Carlsen !

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