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Caruana gaffe deux tours mais rejoint tout de même Carlsen en finale !
Caruana a remporté un match magnifique et se qualifie pour la finale. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Caruana gaffe deux tours mais rejoint tout de même Carlsen en finale !

Colin_McGourty
| 0 | Couverture d’événements d’échecs

Même aux échecs 960, on retrouve souvent les meilleurs devant ! En effet, ce sont les numéros un et deux mondiaux Magnus Carlsen et Fabiano Caruana qui se retrouveront jeudi en finale du Freestyle Chess G.O.A.T. Challenge. Alors que le norvégien passait sans souci l'obstacle Nodirbek Abdusattorov, Caruana devait aller jusqu'en Armageddon pour venir à bout de Levon Aronian au terme d'un match épique. Côté consolante, Alireza Firouzja et Gukesh Dommaraju s'affronteront jeudi pour la cinquième place synonyme d'invitation pour l'année prochaine.

La finale commencera jeudi 15 février à 13 heures, heure de Paris.

Tandis que Carlsen annulait sans souffrance pour se qualifier, la Saint-Valentin d'Aronian et Caruana était moins agréable : six parties rugueuses et sept heures de jeu d'une intensité rare !

Résultat des demi-finales


Carlsen ne laisse aucune chance à Abdusattorov

Carlsen a trouvé son rythme de croisière. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Lorsque Peter Doggers lui demandait si la demi-finale avait été aussi dure que prévue, Magnus lui répondait sans fausse modestie : "Non, pas vraiment. Hier, la partie a été très disputée, j'aurais très bien pu la perdre, mais aujourd'hui mon adversaire n'a jamais eu une position lui permettant d'espérer mieux que la nulle. Il n'a pas pu mettre à profit tous ses talents."

Le norvégien n'avait en effet besoin que d'une nulle après sa victoire de la veille. Pourtant, il se présentait à la partie plein d'ambition et prêt à sacrifier un pion dès le troisième coup !

Comme la veille, le jeune ouzbek refusait l'invitation, et une bataille intense s'ensuivait. A sa deuxième visite au confessionnal, Carlsen se montrait encore plus enthousiaste :

"J'adore ce jeu ! On passe la moitié de notre temps à réfléchir aux sept premiers coups alors que nos deux armées ne sont pas encore en contact, et ensuite, ça chauffe très rapidement. Les rois vont être faibles et les deux camps vont avoir beaucoup de mal à roquer. J'ai peur qu'il me mette une tactique à tout moment, mais je ne vois pas vraiment quoi !"

J'ai peur qu'il me mette une tactique à tout moment, mais je ne vois pas vraiment quoi !

—Magnus Carlsen

Pourtant, c'est bien Magnus qui plantait la première banderille avec 14.Da4? b5!. A partir de ce point, la position déjà difficile des blancs devenait insoluble. Dans un fauteuil, le numéro un mondial laissait son adversaire annuler par répétition pour s'assurer une place en finale.

Carlsen semble en pleine confiance : "Je suis calme, je prends mon temps, j'ai l'impression d'être en pleine forme. Je suis très optimiste !"

Qui aurait cru qu'il était si amusant de se confesser ? Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Libéré de ses obligations, le norvégien avait tout le temps d'assister à la terrible bataille de sept heures qui agitait l'échiquier voisin.

Caruana prend sa revanche


Battu la veille, Caruana se retrouvait dos au mur, devant absolument battre Aronian. Et c'est ce qu'il fit ! La première partie était à sens unique, comme l'avait été celle de la veille. "Je pense que la partie longue était ma meilleure. Elle était très précise. Je n'ai pas obtenu grand chose de l'ouverture, mais j'ai ensuite mieux évalué la position que Levon."

Une impression confirmée par la visite d'Aronian dans le confessionnal, qui annonçait que 14.Fxc5! n'était pas une menace. C'était pourtant le cas, et il ne le comprenait que trop tard. Caruana profitait ensuite parfaitement du zeitnot adverse pour s'octroyer la victoire sans trembler à l'issue d'une belle attaque.

C'est notre partie du jour, et la voici par conséquent analysée pour vous par le GMI Rafael Leitao :

GM Rafael Leitao GotD

Un sourire, une main tendue : c'est l'abandon. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Il fallait donc passer par la case départages. Dans la première partie rapide (cadence 15/10), Caruana profitait de sa bonne dynamique en piégeant Aronian dans le milieu de jeu pour prendre un bel avantage. Mais alors que son rythme cardiaque s'accélérait, l'italo-américain commettait une bourde majuscule, gaffant une tour sèche et la partie !

Il fallait alors repartir au combat, et Fabiano était bien aidé en cela par un choix d'ouverture très "optimiste" de son adversaire.

En deux coups, Levon centralisait sa dame pour attaquer les pions c2 et b4, mais après 3.a3! la prise du pion c2 se heurte simplement à Tc1! Alors que la dame sortie trop tôt se faisait chahuter, Caruana se développait avec puissance pour remporter une belle partie et amener le combat en blitz.

Aronian sait se détendre, même en plein cœur d'un marathon de sept heures ! Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Les ouvertures de Levon étaient toujours aussi douteuses en blitz (cadence 5/2), et dès le troisième coup, son rival était mieux avec les noirs. Malgré des inquiétudes dues a une gestion du temps catastrophique et un pouls en surchauffe, Caruana parvenait à conclure. Le numéro deux mondial prenait enfin les rênes du match ! Il ne lui fallait plus qu'une nulle dans le dernier blitz pour s'imposer. Et dans une position qu'on l'imagine annuler assez facilement contre n'importe qui, un nouveau coup de théâtre allait se produire :

Dans cette, position, il jouait 40.Tb7??, relâchait sa pièce, et comprenait instantanément qu'il était perdant à cause de 40...Cxb7. Par réflexe, il reprenait sa tour avant d'abandonner. A cet instant, son rythme cardiaque atteignait un pic de 170 battements par minute !

Pas surprenant selon l'intéressé lui-même : "Parfois, je sens mon cœur battre pendant les parties, je ne m'étonne donc pas que ce chiffre soit haut. Mais cette fois, je ne dois pas être loin d'un record du monde !" 

Tout est bien qui finit bien pour Caruana. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Malgré le choc, il parvenait à se ressaisir à temps pour l'Armageddon qui suivait. Et cela, pour deux raisons : "La première, c'est le format. On joue à l'instinct, et on ne peut pas trop s'appesantir sur le passé, il n'y a pas le temps ! Ensuite, je sentais que mes intuitions étaient bonnes. Bien sûr, j'ai gaffé deux tours dans la même journée, c'est un problème ! Mais mes ouvertures étaient bonnes, et je l'ai dominé dans la plupart des parties. J'avais donc confiance en mes capacités à jouer vite et à obtenir une bonne position."

J'ai gaffé deux tours dans la même journée, c'est un problème !

—Fabiano Caruana 

Caruana gagnait les enchères en proposant 4 minutes et 11 secondes et obtenait les pièces noires. Aronian, qui avait proposé quelques secondes de plus, obtenait cinq minutes et les pièces blanches, mais avec l'obligation de gagner. C'est l'italo-américain qui allait jouer l'ouverture plus rapidement et avec plus de précision, mettant son adversaire sous une pression bien vite intenable. La partie était spectaculaire, Levon proposant l'ébouriffant 24.Cxg7!?, perdant sur le champ à cause de 24...Tc2!!.

Caruana, "un peu secoué" après ce match complètement dingue, était content de prendre sa revanche après avoir subi le sort d'Aronian dans un match au profil similaire (sept parties décisives !) lors de l'American Cup l'année dernière.

Ses impressions sur la finale à venir face à Carlsen ? "Je suis juste content d'être là, et je vais faire de mon mieux. Je prends beaucoup de plaisir dans ce tournoi. Les échecs 960, c'est vraiment très fun !"

Aronian affrontera lui Abdusattorov pour la troisième place. Et quelle meilleure prépa que d'écrire un petit rap freestyle sur les échecs freestyle ?

Un certain GMI hollandais ne tardait pas à lâcher son couplet en réponse :

Espérons que ces deux-là ne se lancent pas trop vite dans une carrière hip-hop au détriment des échecs !

Gukesh ressuscité

La bataille pour la cinquième place (et une invitation automatique pour l'année prochaine) n'atteignait bien sûr pas le niveau d'intensité des demi-finales. Côté français, Firouzja se qualifiait facilement pour la finale de la consolante en échangeant les dames dès le septième coup pour annuler tranquillement face à Ding. Pourtant, le champion du monde obtenait de bonnes chances de gain dans cette position simplifiée, mais Alireza se montrait très précis, et le chinois ne semble pas cette semaine avoir la ténacité nécessaire pour poser de vrais problèmes aux meilleurs joueurs du monde.

Firouzja a écarté Ding avec une belle impression du facilité. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

L'autre match était bien plus tendu. Gukesh, qui n'avait pas remporté la moindre partie depuis les rapides du premier jour, semblait renaître de ses cendres à l'instar du phénix.

Gukesh a connu un tournoi compliqué, mais pourrait terminer sur une très bonne note. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Keymer, qui n'avait besoin que d'une nulle en partie longue, se montrait très défaitiste lors de sa visite au confessionnal : "Il n'y a pas de quoi être fier de la manière dont j'ai joué jusqu'à présent !" Et la partie était effectivement à sens unique, le jeune indien obtenant une position gagnante avant même d'avoir eu à jouer ses tours ou son roi.

Gukesh semblait inarrêtable, remportant une nouvelle victoire toute aussi impressionnante lors du premier rapide des départages. Après 31...De8, il trouvait un gain en ligne relativement surprenant :

On se dirigeait alors vers une nouvelle bataille homérique, car Keymer se retrouvait complètement gagnant avec les pièces blanches dans la partie suivante. Hélas, le jeune allemand échangeait les dames au mauvais moment et laissait son adversaire s'en sortir par une nulle qui lui offrait le gain du match.

Keymer contemple encore ses options, mais le mal est fait… Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Après avoir impressionné son monde pendant tout le tournoi, Keymer ne jouera que pour la septième place lors du dernier match… Lot de consolation : il affrontera tout de même le champion du monde !


Le Freestyle Chess G.O.A.T. Challenge se déroule du 9 au 16 février 2024 dans le Weissenhaus Private Nature Luxury Resort, en Allemagne. Toutes les parties se jouent aux Échecs 960. La compétition commence par un tournoi rapide de sept rondes qui décidera des appariements du tournoi classique à élimination directe avec des matchs en deux parties. En cas d'égalité, les joueurs sont départagés par deux parties rapides en 15+10, puis, si nécessaire, par deux blitz en 5+2, et enfin si besoin par des blitz en 5+2 jusqu'à ce qu'un joueur l'emporte. La dotation totale est de 200 000 dollars, dont 60 000 dollars pour la première place.

Où regarder ?
Suivez le Freestyle Chess G.O.A.T. Challenge tous les jours sur la Chess.com/TV. Vous pouvez aussi profiter de nos shows en direct sur nos chaines Twitch et voir toutes nos retransmissions sur YouTube.com/Chess24. Les parties sont disponibles sur notre page événement.

La retransmission du jour 5 avec aux commentaires Kévin Bordi et le GMI Laurent Fressinet.


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Colin McGourty

Colin McGourty led news at Chess24 from its launch until it merged with Chess.com a decade later. An amateur player, he got into chess writing when he set up the website Chess in Translation after previously studying Slavic languages and literature in St. Andrews, Odesa, Oxford, and Krakow.

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