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Gukesh triomphe aux Candidats à 17 ans !
Gukesh sacré après l'un des plus grands exploits de l'histoire des échecs !

Gukesh triomphe aux Candidats à 17 ans !

Robin-Side
| 0 | Couverture d’événements d’échecs

Le tournoi des Candidats FIDE 2024 a délivré son verdict au terme d'une dernière soirée sous haute tension qui a vu Gukesh Dommaraju devenir le héros de toute une nation. Le prodige indien de 17 ans - plus jeune vainqueur de l'histoire - a fait preuve d'une maturité impressionnante pour tenir en respect avec les pièces noires un Hikaru Nakamura jamais en mesure de l'inquiéter. Sa mission accomplie, ses yeux se sont joints aux nôtres pour suivre, le cœur battant à tout rompre, le thriller insoutenable proposé par ses deux poursuivants Fabiano Caruana et Ian Nepomniachtchi.

Malgré une position longtemps totalement gagnante, le GM américain, incapable de délivrer le coup de grâce, a dû se résoudre à une terrible nulle, condamnant les deux gladiateurs après un combat titanesque de 109 coups. Gukesh, fort de son demi-point d'avance sur le trio à ses trousses, remporte donc le droit de défier Ding Liren dans un match au sommet pour la couronne mondiale où il pourrait, en cas de succès, battre de nouveaux records de précocité.

Le scénario du tournoi des Candidates s'est révélé plus linéaire, Tan Zhongyi obtenant rapidement une position supérieure avec les noirs contre Anna Muzychuk. La GM chinoise s'est assurée du titre grâce à un perpétuel venu récompenser sa performance dominante avec à la clé un duel pour devenir championne du monde contre sa compatriote Ju Wenjun

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La retransmission de la Ronde 14 avec aux commentaires Kévin Bordi et le GM Fabi Libi .

Classement final des Candidats :

Classement final des Candidates :


Candidats : Gukesh au bout du suspense

Cet immense exploit de Gukesh s'accompagne de statistiques et nouveautés incroyables pour la planète échecs. À 17 ans, le prodige indien a donc pulvérisé le record de Garry Kasparov de 3 années et remporté ses premiers Candidats près de 5 ans avant Magnus Carlsen ! Il participera au tout premier match de Championnat du Monde sans joueur européen, qui sera également le premier 100 % asiatique (sans prendre en compte les Championnats du Monde féminins). 

Grâce à sa performance à 2847 sur l'ensemble des 14 rondes, Gukesh est devenu, à l'issue du tournoi, numéro 1 indien et dépasse d'un point Elo le champion du monde en titre, rétrogradé au septième rang mondial. 

Plus jeunes vainqueurs des Candidats

Joueur Age Année
Gukesh Dommaraju 17 ans, 10 mois, 24 jours 2024
Garry Kasparov 20 ans, 11 mois, 27 jours 1983/84
Magnus Carlsen 22 ans, 2 mois, 4 jours 2013
Mikhail Tal 22 ans, 11 mois, 20 jours 1959
Anatoly Karpov 23 ans, 5 mois, 30 jours 1974
Viswanathan Anand 25 ans, 3 mois, 11 jours 1994/95
Fabiano Caruana 25 ans, 7 mois, 28 jours 2018

La date du match pour la couronne suprême n'est pas encore arrêtée, mais nous savons qu'il aura lieu dans le courant de l'année. Si Gukesh s'impose, il deviendra le plus jeune champion du monde d'échecs incontesté de l'histoire. Il convient de mentionner que Ruslan Ponomariov a remporté le Championnat du Monde FIDE à élimination directe en 2002 à l'âge de 18 ans, mais à une époque où le titre mondial était divisé avec Vladimir Kramnik, bourreau de Kasparov dans un match au sommet en 2000.

Gukesh est né à Chennai, en Inde, là où la légende vivante Viswanathan Anand a grandi. Il n'avait que sept ans lorsque Carlsen est devenu champion du monde pour la première fois en 2013, suite au match qui s'était déroulé dans sa ville natale. Gukesh a raconté à notre envoyé spécial Mike Klein ses souvenirs de ce moment : "Je venais de commencer à jouer aux échecs et je me souviens que j'ai visité la salle de jeu pour l'une des parties. C'était quelque chose d'énorme. Je venais de commencer à jouer aux échecs et un événement aussi important se déroulait dans ma ville natale".

Onze ans plus tard, l'enfant prodigue est devenu un jeune homme aussi humble que talentueux, prêt à se lancer à la conquête de cette même couronne mondiale.

Lors de la conférence de presse, Gukesh a révélé à partir de quand il s'est mis à croire à 100 % en ses chances : "Si je devais mettre le doigt sur un moment où j'ai vraiment senti que cela pouvait être mon tournoi, c'est probablement après la septième partie, après ma défaite contre Firouzja.... Même si je venais de subir une défaite douloureuse, je me sentais au mieux de ma forme. Peut-être que cette défaite m'a donné beaucoup de motivation".

Même si je venais de subir une défaite douloureuse, je me sentais au mieux de ma forme.

— Gukesh Dommaraju

Le nouveau challenger ! Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Beaucoup lui promettaient l'enfer avec les noirs face à un Nakamura gonflé à bloc (3 victoires dans les 4 dernières rondes), ils ne pouvaient pas être plus loin de la vérité. D'une sérénité à toute épreuve, Gukesh a confortablement égalisé dans l'ouverture grâce à une petite variante surprise dans le Gambit Dame accepté avant même de prendre un léger ascendant en gagnant un pion.

Il n'a jamais été moins bien une seconde dans cette partie.

— Robert Hess

Le prodige indien pouvait même s'offrir le luxe de suivre avec attention le duel d'à côté entre Caruana et Nepo : "J'étais juste dans un état mental où je faisais correctement mon travail, je faisais une bonne partie et je regardais ce qui se passait". 

Nakamura n'a jamais été en mesure de faire douter son jeune rival. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Carlsen, invité sur le plateau, a d'abord vivement critiqué la décision de Gukesh 10...cxd4 — "un coup que je déteste cordialement" — avant de changer radicalement d'avis dans la foulée : "J'adore ce qu'a fait Gukesh. Je n'avais pas du tout pensé à [11.]...b4!".

Dans sa vidéo récap du jour, Nakamura a reconnu : "Quand Gukesh a joué cette ouverture et trouvé ce onzième coup ...b4!, c'était très bien joué de sa part, après ça, je n'ai pas vraiment eu la moindre opportunité". 

Nakamura, souffrant d'une position légèrement inférieure avec un pion isolé, a tenté de le sacrifier pour créer un déséquilibre avec la paire de fous en compensation, en vain. Après l'échange des dames, Gukesh a finalement rendu son pion pour entrer dans une finale avec tour et fous de couleurs opposées qui s'est éternisée sans que la nulle ne soit jamais remise en question. Comme un symbole, Nakamura a lutté jusqu'à ce qu'il ne reste plus que les deux monarques dépouillés de l'intégralité de leur armée sur l'échiquier.

Cette partie au long fleuve tranquille terminée, il était temps de basculer dans le chaos le plus total !

Dès l'ouverture, Caruana et Nepo ont démontré leurs intentions de prendre tous les risques pour éviter la nulle fatidique. Le double tenant du titre n'a pas hésité à démarrer une dangereuse expansion à l'aile roi pour prendre de l'espace, n'ayant cure d'affaiblissements éventuels. Son jeu ambitieux aurait pu s'avérer payant mais il s'est précipité aux moments critiques, abandonnant une très forte initiative à Caruana.

Un véritable combat de boxe sur l'échiquier. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Ian n'a pas beaucoup réfléchi et a joué deux coups impulsifs à la suite... 

— Magnus Carlsen

Nepo a déploré son manque de connaissances de la position lors de la conférence de presse : "J'ai mélangé toutes les idées. C'est ce qui arrive quand on joue une ouverture que l'on ne connaît pas". Longtemps chirurgical devant cette aubaine, Caruana n'a cessé d'accroître son avantage jusqu'à obtenir une position écrasante.

Sous pression au temps avec 10 coups à jouer en 10 minutes pour atteindre le salvateur quarantième coup, le multiple champion des États-Unis a commencé à s'emmêler les pinceaux. Toujours invaincu dans le tournoi malgré de nombreuses positions compromises, Nepo faisait preuve de sa résilience et de son ingéniosité habituelles. Au 39ème coup, il sacrifiait la qualité pour s'assurer de meilleures chances pratiques après le contrôle de temps. Si Caruana a déclaré ne pas avoir raté cette pointe tactique, sa tache est devenue nettement plus ardue.

Toujours gagnant mais dans une position complexe où les deux hommes ont logiquement commis des erreurs à tour de rôle, le GM américain, à fleur de peau, a échoué à porter l'estocade qui l'aurait envoyé en départages contre Gukesh. Après 109 coups d'une bataille éreintante, Caruana s'est résolu à la nulle dans une finale de dames avec deux pions contre un, impossible à pousser. 

Retrouvez l'analyse des deux parties du jour en vidéo avec Kévin Bordi et le GM Fab Libi :

Le GM Rafael Leitao est revenu en détails sur ce "thriller crève-cœur" pour ses deux protagonistes.

Ce dénouement déchirant pour Caruana a entrainé une conférence de presse douloureuse : "Je me sens idiot. C'était une mauvaise partie au pire des moments", a-t-il regretté.

Je ne sais pas quoi dire. C'est pas de chance pour Fabiano.

— Ian Nepomniachtchi

Ne pas perdre la moindre partie n'aura pas suffi pour Nepo... Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

La seule victoire de la soirée a été signée Praggnanandhaa Rameshbabu, tombeur avec les noirs de Nijat Abasov, dans une Est-Indienne, conclue par une finale rondement menée. 

Pour sa première participation aux Candidats, Prag termine avec un score honorable de 50 %. Très inspiré dans la première moitié du tournoi, le jeune indien a connu un gros passage à vide, mettant fin à ses rêves de victoire finale, mais a réussi à finir sur une bonne note.   

Pour Abasov, bon dernier et punching-ball de tous les participants - sauf Nepo qu'il a réussi à contraindre à deux nulles - le tournoi s'est avéré une longue souffrance. Il est le deuxième joueur à ne pas remporter la moindre partie dans ce format depuis Anish Giri et ses célèbres quatorze nulles en 2016.

Les deux hommes ont joué le jeu jusqu'au bout. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Pour Alireza Firouzja et Vidit Gujrathi, la coupe était en revanche pleine. Le tricolore n'a pas souhaité profiter de sa dernière partition avec les blancs pour essayer d'adoucir sa note plutôt salée. La "partie" n'a pas duré plus de cinq minutes, reproduisant la répétition de coups à la mode de la Berlinoise. Firouzja termine donc à une très décevante avant-dernière place, lâchant au passage une vingtaine de points Elo. Le GM français, en dépit de son talent évident, est retombé dans ses travers, incapable de serrer le jeu quand il le fallait, concédant de nombreux demi-points cadeaux.

Candidates : Tan logiquement récompensée

Comment jouer pour la nulle ? Telle était la sempiternelle question que devait se poser Tan avant le coup d'envoi de l'ultime ronde. Deux écoles de pensée existent : bétonner et favoriser les échanges ou jouer "normalement" afin de poser le plus de problèmes à son adversaire.

La GM chinoise a semblé rejoindre les adaptes de la théorie : "Jouer pour la nulle quand la nulle vous suffit est la pire des stratégies !" puisqu'elle a rapidement pris le dessus sur Muzychuk avec les noirs.

Tan n'a pas tremblé et s'est offert un succès ô combien mérité. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Tan, sans peur et sans reproche, a en effet employé la Défense Sicilienne pour surclasser sa rivale en milieu de jeu avant de permettre une issue pacifique qui l'envoyait au septième ciel.

Tan s'est livrée à des confessions surprenantes en conférence de presse : "Pour être honnête, je n'avais pas de grandes attentes en abordant ce tournoi. En ce moment, la compétition n'est pas ma priorité absolue, car j'ai mon propre club en Chine et je mène une carrière d'entraîneur d'échecs". Elle a notamment mentionné l'entraînement de ses élèves pour les Championnats de Chine jeunes.

En ce moment, la compétition n'est pas ma priorité absolue.

— Tan Zhongyi

Malgré ses attentes modestes, Tan a survolé le tournoi de manière très convaincante. Pour rappel, elle avait remporté le Championnat du Monde au format à élimination directe à 64 joueuses en 2017, mais s'était ensuite inclinée 5,5-4,5 contre Ju dans un match en 2018. 

Alors quel format préfère-t-elle ? : "Je dirais qu'un système à élimination directe révèle les différentes forces et capacités, mais je pense que ma performance dans ce tournoi est vraiment un énorme accomplissement pour moi". Elle a ajouté : "Je pense que je préfère le Grand Suisse parce qu'avec une préparation individuelle ciblée, je n'ai pas assez de temps par rapport aux jeunes générations".

Ju, quadruple championne, détient le titre depuis 2018 et défendra sa couronne en 2025.

Lei Tingjie, seule joueuse encore en course pour espérer rattraper Tan au début de la ronde, a comme souvent depuis le début du tournoi, fait le spectacle face à Humpy Koneru, sans être cette fois récompensée.

Lei aura montré un visage flamboyant malgré une issue défavorable. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

La GM chinoise nous a délecté d'un extraordinaire sacrifice de dame 23.Dxa5!!, assurément le plus joli coup du tournoi - mixte et féminin confondus.

C'est dans la lignée des plus belles parties que j'ai jamais vues !

— GM David Howell

Cette inspiration d'un autre monde, tablant sur le fait qu'un monstrueux cavalier en d6 pouvait presque à lui seul rivaliser avec la plus puissante des pièces, n'offrait malheureusement qu'un léger avantage. Humpy est ensuite parvenue à rendre la dame dans de bonnes conditions pour transposer dans une finale équilibrée avec une qualité de plus qu'elle a finie par remporter.

Humpy, passée au travers dans la première moitié du tournoi, a réalisé une très belle remontée pour partager la seconde place avec sa victime du jour... et sa compatriote Vaishali Rameshbabu.

Dernière à mi-tournoi après une terrible série de 4 défaites d'affilée, la GM indienne a en effet parachevé sa renaissance par un cinquième succès de rang contre Kateryna Lagno. Cette performance de phœnix accompli permet à la grande sœur de Prag de gagner 14 points Elo.

Qui sait jusqu'où aurait pu aller Vaishali avec quelques rondes en plus ? Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Dans une Ruy Lopez complexe, Vaishali a profité d'une erreur de sa rivale en milieu de jeu pour lancer un assaut décisif sur le monarque blanc. 

Enfin, Aleksandra Goryachkina et Nurgyul Salimova ont terminé leur tournoi par une nulle décevante pour la tête de série numéro 1 qui a laissé filer une position avantageuse.

Pourtant favorite du tournoi, Goryachkina n'a plus connu le goût de la victoire après la ronde 6. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Le tournoi des Candidats et celui des Candidates sont les deux événements phares de l'année, décidant de qui défiera respectivement Ding Liren et Ju Wenjun pour la couronne mondiale.


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Robin-Side
FM Samy Robin

Auteur, traducteur, entraineur, créateur de contenu et streameur pour Chess.com, je ne prends pas de nouveaux élèves en ce moment.

Également auteur des livres Gagner aux échecs (même quand on débute) et Progresser aux échecs avec les plus grands joueurs de l'histoire en collaboration avec Kévin Bordi .

 

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