MVL craque ; Giri met la pression sur Nepo' !
Cette onzième ronde du Tournoi des Candidats sonne certainement le glas des ambitions de MVL de décrocher son ticket pour défier Magnus Carlsen en fin d'année. Le numéro un tricolore, balloté depuis la reprise, n'a pas profité du jour de repos pour retrouver son style flamboyant et s'est heurté à un Alexander Grischuk inspiré. Une nouvelle série de mauvaises décisions en milieu de jeu ont plombé ses chances malgré un brillant sursaut défensif, ruiné dans la foulée par une gaffe en un coup. Il faudra désormais un miracle, à savoir remporter les trois dernières parties et espérer par ailleurs des résultats favorables. Très en vue ces derniers mois, Anish Giri suit la trajectoire inverse. Le néerlandais de 26 ans s'affirme de plus en plus comme un prétendant sérieux à la couronne mondiale, comme en atteste sa victoire sur commande en moins de 30 coups contre Ding Liren. Il est désormais seul aux trousses de Ian Nepomniachtchi, auteur d'une nulle sans saveur contre Fabiano Caruana. La dernière joute de la journée entre Kirill Alekseenko et Wang Hao s'est soldée par le partage du point.
Pour revivre en différé cette journée avec les commentaires passionnés de Kévin Bordi et du GM Fabien Libiszewski, c'est par ici :
Pour le récit de l'épisode numéro 4 des aventures de Maxime dans sa course aux Candidats c'est par là :
Après une journée passée à recharger les batteries, Maxime retrouve les pièces noires, qui l'ont jusqu'alors tant fait souffrir, contre un de ses amis du circuit. Les deux hommes ont déjà croisé le fer sur de nombreux terrains et avec des fortunes diverses. Cette fois, Grischuk opte pour 1.e4 et choisit celui de la Sicilienne, sur le papier plus favorable au français que la Grunfeld. Il a besoin de signer un improbable sans-faute pour garder une chance théorique de coiffer au poteau les autres candidats et se lance dans une variante rare, jadis introduite par le champion du monde.
La première demi-heure de jeu est porteuse d'espoirs pour les supporters français. Les roques opposés favorisent le style de Maxime et sa réponse du tac-au-tac à la nouveauté 9.Cge2 est très rassurante. Il semble à l'aise tandis que Grischuk, comme à son habitude, prend le temps de se remémorer ses analyses. Les deux protagonistes suivent la ligne numéro 1 de l'ordinateur jusqu'au treizième coup noir, légèrement critiqué par le russe en conférence de presse. Après de longues minutes, ce dernier envoie enfin son pion h4 et la pression monte d'un cran dans un milieu de jeu prêt à s'enflammer.
Moins familier avec la position que son rival, Maxime retombe dans ses travers avec la séquence de coups qui suit. Il donne le sentiment de jouer à contre-courant et de subir plutôt que d'emmêler les pinceaux russes, pourtant si enclins à passer en mode "contemplatif" quand il est surpris. L'aller-retour en h5 avec son "cavalier MVL" prend des allures de mauvaise blague, même si les sacrifices en e4 ne fonctionnaient pas et que le meilleur 19...Cg4 paraissait artificiel.
Grischuk obtient la position dont il pouvait rêver à la sortie de l'ouverture. La libération de la colonne h, au modeste prix d'un pion, lui garantit un assaut quasi-irrésistible sur le roi adverse, enfermé dans sa boite noire. A contrario, l'attaque de Maxime est au point mort et sa réaction au centre tarde à arriver.
On compte à ce moment davantage sur d'éventuelles imprécisions de Grischuk qui n'a plus gagné (joué) une partie officielle depuis plus d'un an, que sur un exploit de Maxime.
Pourtant, dos au mur, le français se réveille et endosse son costume de magicien. Comme face à Ding Liren, il donne soudainement l'impression de ne plus être le même joueur et enchaine les excellentes décisions pratiques. Grischuk annonce avec clarté son plan : sacrifier une tour sur h5 et mater en force le long de la colonne h. Alors que le zeitnot se profile, un magnifique tour de passe-passe, 31...Td4!!, coupe le russe dans ses élans de mat. On commence à se demander si MVL n'a pas fait son stage de préparation à Lourdes.
Bien que les mouches sont en train de changer d'âne, Grischuk fait le choix très courageux avec seulement 30 secondes à la pendule, d'éviter la variante menant à un échec perpétuel. Maxime s'enhardit et, plutôt que d'assurer le demi-point en transposant en finale de tours et fous, décide de sacrifier sa dame pour mettre la pression sur son rival avec ses deux tours.
Le clan tricolore a tout juste retrouvé le sourire qu'un terrible oubli vient faire voler en éclats cet optimisme nouveau. Un thème tactique élémentaire en comparaison de l'incroyable plan de sauvetage pensé par Maxime, lui coûte un pion vital en b7. La finale de fous avec un pion de moins qui suit se révèle sans espoir même si elle aurait pu contenir davantage de venin si le français s'en était donné la peine.
"Après Dxb7, j'ai commencé à paniquer, j'ai vu Fa3+ mais je pensais que ça ne changeait rien."
Grischuk, ne voulant plus laisser échapper sa proie a même fait preuve d'une certaine filouterie :
D'habitude je vais fumer après le quarantième coup, mais je suis resté assis pour induire un jeu rapide (afin d'éviter 42...Fa3+).
En réalité, intercaler ce coup intermédiaire n'aurait pas changé l'évaluation de la finale mais aurait demandé à Grischuk d'enchainer plusieurs coups précis pour s'assurer du gain.
L'analyse en vidéo de cette dure bataille est disponible ci-dessous avec nos commentateurs du jour :
Passons à présent aux autres parties de la ronde 11, en commençant par l'homme qui fait trembler le leader, Anish Giri.
Il semble loin le temps où Giri était constamment moqué pour sa propension à enchainer les nulles - et souvent gâcher des positions prometteuses. Le néerlandais arrive à maturité et a remporté sa deuxième partie avec les blancs pour revenir à un point de Nepomniachtchi. Derrière au départage, la route est cependant encore longue pour espérer défier Carlsen dans un match qui déchainerait les passions aussi bien sur Twitter que devant l'échiquier. Néanmoins, après avoir commencé cette phase retour à 50%, Giri n'a jamais été aussi bien placé dans la course. Il lui restera à passer à importantissime examen demain avec les noirs contre un Caruana, certainement en mode all-in !
Découvrons l'analyse de sa victoire contre le numéro 1 chinois qui n'a pas fermé le jeu et s'est même retrouvé en excellente posture avant de vaciller face à un superbe sacrifice de cavalier du Giri 2.0 :
Si vous vous demandez quelle tête peut faire Nepo' devant la nouvelle menace nommée Giri.
Voici la réponse :
Sa nulle avec les blancs contre Caruana s'est dessinée dès les premières minutes et son choix d'ouverture extrêmement solide. Le russe reste donc fidèle à sa stratégie et conserve son avance d'un point entier sur le numéro 2 mondial. L'américain n'a jamais pu espérer livrer bataille et a même connu d'infimes frissons en finale, en raison du pion passé éloigné adverse.
Enfin, la partie de fin de tableau entre Alekseenko et Wang Hao s'est soldée par la nulle en dépit du jeu toujours créatif et même provocateur du joueur chinois.
Classement après 11 rondes
Rendez-vous demain dès 11h30 pour le pré-show sur Blitzstream et à partir de 13h pour la ronde 9 à suivre en direct sur notre chaine avec on l'espère (au moins pour le moral) la première victoire de Maxime, fort des pièces blanches contre Alekseenko.
Voici le programme :
Caruana-Giri
Ding-Grischuk
MVL-Alekseenko
Wang Hao-Nepomniachtchi
Articles précédents :
- Nepo' se détache ; MVL rate le coche
- MVL sauve un demi-point miraculeux ; Giri décolle
- Caruana terrasse MVL après un combat titanesque