Nona Gaprindashvili poursuit Netflix pour diffamation dans "The Queen's Gambit".
Nona Gaprindashvili a intenté une action en justice contre Netflix pour "atteinte trompeuse à la vie privée" et diffamation après qu'une réplique de la série à succès The Queen's Gambit a suggéré à tort qu'elle ne jouait que contre des femmes.
La cinquième championne du monde d'échecs demande plus de cinq millions de dollars de dommages et intérêts pour ce qui, selon la plainte, est un "mensonge dévastateur, sapant et dégradant ses succès devant un public de plusieurs millions de personnes".
Le procès concerne une réplique dans le dernier épisode de la série qui a remporté deux Golden Globes plus tôt cette année et devrait gagner plusieurs prix aux Emmy Awards 2021 dimanche.
Alors que la protagoniste principale participe à un tournoi à Moscou, un commentateur déclare : "La seule chose inhabituelle chez elle, vraiment, c'est son sexe, et même cela n'est pas unique en Russie. Il y a Nona Gaprindashvili, mais elle est championne du monde féminine et n'a jamais affronté d'hommes."
C'est pourtant loin de la vérité et même quelque peu ironique. Âgée aujourd'hui de 80 ans, Nona Gaprindashvili, qui participe toujours à des tournois seniors, est en fait la première joueuse à avoir obtenu le titre de Grand Maître "mixte" en 1978. En plus de détenir le titre de championne du monde féminine pendant 16 ans (1962-1978), la légende géorgienne a souvent joué dans des opens et a affronté de nombreux hommes, dont trois champions du monde : Mikhail Tal, Boris Spassky et Viswanathan Anand.
Dans sa couverture de l'action en justice, le New York Times mentionne qu'un titre d'un de ses articles de 1968 indique : "Échecs : Mlle Gaprindashvili bat 7 hommes dans un tournoi relevé."
Le journal cite Nona Gaprindashvili, s'exprimant en géorgien, dans une récente interview vidéo organisée par ses avocats et traduite en anglais par son petit-fils : "Ils essayaient de créer ce personnage fictif qui ouvrait la voie à d'autres femmes, alors qu'en réalité j'avais déjà ouvert la voie et inspiré des générations..... C'était une expérience insultante. C'est toute ma vie qui a été rayée comme si elle n'était pas importante."
Il est intéressant de noter que le roman The Queen's Gambit (1983) de Walter Tevis, dont la série s'est largement inspirée, ne précise pas que Gaprindashvili n'avait jamais affronté d'hommes. En fait, le livre dit : "Il y avait Nona Gaprindashvili, pas au niveau de ce tournoi, mais une joueuse qui avait rencontré tous ces Grands Maîtres russes de nombreuses fois auparavant."
La plainte de 25 pages, disponible en ligne ici, affirme que le personnage de Beth Harmon "s'inspire manifestement" des exploits de Gaprindashvili : "Harmon est à bien des égards une version américanisée et romancée de la véritable femme prodige géorgienne qui a été la première à briser les barrières entre les sexes aux échecs internationaux dans les années 1960 en rivalisant avec les meilleurs joueurs masculins et en les battant."
The Queen's Gambit a été regardé par plus de 62 millions de foyers au cours du premier mois suivant sa sortie. En partie à cause de ce grand succès, la plainte prétend que la phrase selon laquelle elle n'avait "jamais affronté d'hommes" cause un préjudice professionnel à Gaprindashvili :
"Les fausses déclarations ont causé à Mme Gaprindashvili des humiliations personnelles, de la détresse et de l'angoisse, ainsi que des dommages à ses bénéfices et à ses revenus, et à sa capacité permanente à s'engager dans son gagne-pain professionnel dans le monde des échecs. Elle a donc subi des "dommages spéciaux" sous la forme de pertes pécuniaires et d'occasions d'affaires perdues d'au moins 75 000 $, et des dommages généraux d'au moins 5 000 000 $, le tout devant être établi au procès.
Le producteur de la série a fait la déclaration suivante : "Netflix n'a que le plus grand respect pour Mme Gaprindashvili et son illustre carrière, mais nous pensons que cette plainte n'est pas fondée et nous défendrons vigoureusement l'affaire."